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5 novembre 2011 6 05 /11 /novembre /2011 18:19

techoCela fait 3 semaines que je suis rentré de mon weekend humanitaire. Et pourtant, malgré ce temps de « digestion », cette référence musicale/cinématographique continue de me paraitre adapté, malgré son coté aberrant…

C’est souvent le plus dur lorsqu’on écrit de retransmettre des sentiments, des émotions ; ses émotions, ses sentiments …mais je vais m’y essayer.

Rendez vous vendredi soir à 30min de chez moi dans un centre sportif….imaginez vous un instant la scène. 2000 jeunes, motivés comme jamais pour « changer » les choses, pour changer le monde…après la mythique attente qui fait le charme de Buenos Aires (3h) nous voila répartis par « école », nom donné aux groupes d’environ 100 étudiants vers les lieux de constructions.
Ma direction ? Ezeiza, villa (bidonville en français) bordant l’aéroport international de Buenos Aires.
Notre école se divise ensuite en groupes dont chacun aura en charge la construction d’une maison pour une famille.  
Mon groupe ? 100% argentin à mon exception se compose d’un responsable Dario et de 5 jeunes pour qui c’est la première expérience de construction : Dalcio, Leila, Chiara, Candelaria, Ailen et moi-même.
L’objectif de l’association Un Techo para mi Pais (Un Toit pour mon Pays) est de construire dans le week-end, dans l’ensemble de l’Argentine, environ 450 maisons de 21m² de première nécessité faites de bois.
Le contrat est le suivant : les familles payent, dans un délai de 6 semaines avant le début de la construction, l’équivalent de 10% du prix soit 850 pesos (130€).

Notre famille, nous attendant avec impatience, est paraguayenne et a atterri dans le bidonville il y a de cela 3 ans. Il s’agit de Darlis et Blanca et de leurs 3 enfants de 3 à 12 ans : Camilia, Griselda et Delfina.
Leur masure, faite de tôles et planches, mesure environ 25m². Elle se compose d’une cuisine rustique, à l’ergonomie remarquable ; d’une « salle de bain » made In Papa Paraguayen avec seau, faisant office de réserve d’eau et de pomme de douche en même temps, et d’une chambre à coucher avec 2 lits…pour 5 ! L’ensemble est agrémenté de différentes effigies de la Vierge, de bouquins en tout genre et de produits de beauté !     

A notre arrivée, aux aurores, Blanca la mère de famille, nous met directement dans l’ambiance : « On pensait que vous ne viendrez pas avec la pluie ». Première phrase, premier constat : ils en ont vu passer des « bienfaiteurs », des projets humanitaires (25 dans le bidonville en 10 ans pour être précis)…mais des résultats jamais !

La première journée est dédiée à la préparation des fondations et à l’acheminement du matériel sur un terrain (devenu bouillasse sous l’effet de la bruine).     
L’ambiance est crispée, les enfants sont timides, les parents tendus…
Au menu du repas du midi préparé par Blanca : tapioca et soupe paraguayenne (aliments de base de leur alimentation) accompagnée de milanesa, viande farinée frit à la poêle (dont je doute qu’elle fasse partie des aliments de base…).    
Sur les coups de 15h la première séquence émotion est au rendez-vous. Chacun d’entre nous, famille et constructeurs, partage oralement un souhait, son souhait, au travers de quelques mots écrits sur un papier, lancé au pied des fondations… Les larmes coulent, le projet se réalise enfin, ce n’est pas que du vent… 
A notre départ, Blanca nous demande : « Sachant que demain c’est dimanche vous ne venez pas travailler ? ». Ils n’arrivent donc pas à réaliser ; décidemment ils ont dû en avoir des espoirs déchus…

 

Au second jour, l’atmosphère est toute autre ; les enfants viennent nous accueillir chaleureusement, les parents ont le sourire jusqu’aux oreilles, l’ambiance est bon enfant. Pendant que Blanca s’affère aux fourneaux pour nous préparer le 10h, la langue de Darlis se délie enfin…à bon escient ! Ses conseils, d’ouvrier du bâtiment et de débrouillard, nous sont plus que précieux ! A 14h le plancher est posé, il est temps de prendre un repas bien mérité…excepté pour le petit français !
Je suis réquisitionné pour préparer le chargement de 2 camions pour acheminer les parois en bois sur les sites des 8 autres constructions… Durant 3h, j’ai soulevé 7 parois par maison (toiture et plancher compris) ; soit 56 armatures, pesant chacune entre 400 et 750 kg ; soit environ 30 tonnes… Et pour conclure mon martyr, les planches devaient être montées sur les camions, à plus de 2 mètres de haut… Autant vous dire que l’éreintement physique de mes compagnons de labeur et moi-même était maximal… Mais les sourires, l’énergie ne disparaissaient jamais ; comme si la conviction de travailler pour une cause juste et utile nous faisait oublier tout état de fatigue…   
Néanmoins je ne vous cache pas que de retour dans la famille, les pâtes, froides, aux carottes et à la viande furent les meilleures de ma vie et de loin !
Cependant, pour être juste, je dois avouer que mon groupe n’avait pas chaumé durant mon absence. Les parois étaient montées, il ne manquait plus que le toit… au programme de la troisième et ultime journée !

 

Le troisième jour, à notre arrivée, pas de comité d’accueil cette fois ci. Et pour cause ! Ils ont travaillé tard pour protéger la construction des intempéries. Après le traditionnel maté, la charpente de fortune est vite montée… Et il est déjà temps de manger le barbecue que nous avons financé. Mais attention pas n’importe où ! Une cérémonie de remise officielle de la propriété aux nouveaux occupants est réalisée en bonne et du forme ! Cette nouvelle séquence émotion nous a ouvert l’appétit et nous dévorons le barbecue cuit sur une tôle de métal. Nous sommes heureux, du devoir accompli pour certains, d’un rêve devenu réalité pour d’autres.

Nous avons ensuite rendez-vous avec l’ensemble des familles devant la maison de Marta. Marta ? Vous ne connaissez pas Marta ? C’est l’icône du bidonville ! Cette infirmière a passé 20 ans de sa vie à servir, grâce à son maigre salaire, le petit-déjeuner des enfants partant à l’école à 5km de chez eux. Elle a réalisé cela toute seule, sans l’aide de personne, toujours avec le sourire.               
C’est elle aussi qui a reçu les représentants de l’association (à coups de pierres selon la légende après tant de projets avortés) ; c’est encore elle qui s’est occupée de trouver une école acceptant de loger les étudiants (chose loin d’être aisée) : c’est toujours elle qui reçoit, en pleurs, l’ovation de nous tous, étudiants et familles ; enfin c’est encore elle et toujours elle qui coupe court à ce moment de bonheur personnel pour reprendre le « combat » et demander de continuer notre travail commun afin de construire une bibliothèque pour les enfants du quartier car, comme elle le dit « mes petits ils ont besoin de vous ».

C’est terminé. Nous nous en allons, la fatigue oubliée, le cœur gros, des images et des souvenirs plein la tête, un bonheur complet, le sentiment du devoir accompli…mais qu’il reste tant de choses à réaliser, qu’un petit rien de chacun d’entre nous pourrait tout changer pour aider ces 2 millions de personnes résidant dans l’un des 850 bidonvilles…non pas d’Argentine mais uniquement de Buenos Aires…

 

De ces souvenirs, de ces images, certains resteront ancrés à jamais :

 

-          L’honneur donné aux bénévoles d’une maison de choisir le prénom de l’enfant sur le point de naître.

-          Ce gâteau au chocolat, préparé incognito, par une mère de famille pour l’anniversaire de l’une des bénévoles.

-           Ce sentiment magique, et nouveau pour moi, d’utilité, d’échange, d’être force de changement et porteur d’espoir…

-          Cette entraide, spontanée et naturelle, entre voisins.

-          Cette multitude de destins brisés aux réactions différentes ; entre ceux procréant plus que de raison pour profiter des aides de l’Etat et ceux travaillant dur pour trois francs six sous dans l’unique but d’acheter télé et console à leurs enfants…  afin qu’ils restent à la maison, sous la bienveillance du cocon familial, à l’écart de la violence extérieure.

-          Ces 200 maisons,  à quelques encablures du bidonville, construites par le gouvernement mais vides, dans l’attente de la résolution d’un imbroglio juridique…qui dure depuis 8 ans !

-          Cette route bitumée, de 5 mètres de large, séparant d’un coté le bidonville du golf privé de Buenos Aires. Et si cela ne suffisait pas, de l’autre coté du bidonville, une route, en terre cette fois-ci, le séparant d’un quartier privé à l’américaine, sous surveillance des miradors et barbelés, au gazon digne d’un terrain de football.

Je finirais par la question candide et malheureuse que j’ai posée à Darlis en voyant les clôtures électriques protégeant ce quartier privé :                
« Ils ont peur que les animaux sauvages viennent leur abimer leurs arbres fruitiers ? ».             
Et sa réponse, gravée à jamais, fataliste et résonnant dans l’air comme une détonation de pistolet : « Non c’est pour les protéger de nous, les gens du bidonville ».

 

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1 octobre 2011 6 01 /10 /octobre /2011 23:57

             M'inscrire dans un projet humanitaire, me rendre utile, aider ceux qui n'ont pas ma chance d'être né avec une cuillère en or dans le bec....Des mois que l'idée me trotte dans la tête, qu’elle fait son cheminement dans mon esprit, avec une force et une intensité crescendo...les enfants mendiants dans la rue, las cartoneros (hommes qui trient les matières recyclables à mains nues dans les poubelles de Buenos Aires), et les bidonvilles ont enfin provoqué le déclic. 
Me voila inscrit auprès d'une jeune association humanitaire "Un techo para mi pais"  (
http://www.untechoparamipais.org/pagina-principal/quienes-somos/english).
Malgré ses 13 ans d'existence, cette association, n'acceptant que les jeunes de 18 à 30ans, est déjà présente dans toute l'Amérique Latine avec pour mission de permettre à tous les sud-américains de disposer d'une maison d'urgence et de sortir de l'extrême pauvreté.

 

Après une réunion d'informations, je m'inscris auprès de deux projets:

- une construction massive de maisons d'urgence sur 4 jours le weekend prochain (qui sera développé dans un prochain article)

- le projet de microcrédit sur Buenos Aires.

 

Le concept de microcrédit fut créé au Bangladesh par Muhammad Yunus (Prix Nobel de la Paix en 2006) au travers de la Grammen Bank, "la banque des pauvres".     
L'idée est de prêter des petites sommes d'argent, à taux d’intérêt faible, aux pauvres afin qu'ils puissent développer leur business...   
La politique du programme de Un techo Para mi Pais suit les règles suivantes :

-       Prêt de base de AR$500 (75€)

-       Remboursement hebdomadaire sous 2 mois au taux d’intérêt annuel de 2%

-       Augmentation de AR$250 pour chaque nouveau prêt

 

Après la théorie, que je commence à connaitre sur le bout des doigts puisque cela est mon sujet de thèse, je pars à la découverte de la pratique...

 

Samedi matin, 7h, le réveil sonne (après 3h de sommeil pour cause d'être supporter d'une équipe de France de rugby loin d'être à la hauteur de l’assiduité de ses fans); 8h45 RDV dans le centre ville où une vingtaine de jeunes de l'association m'attendent. Après de rapides mais chaleureuses présentations nous embarquons dans un minibus contre une participation de AR$10 (1,5€). Direction Nicole, quartier, que dis-je bidonville, à 1h de Buenos Aires Capital (mais qui fait toujours partie de la tentaculaire métropole).

 

Dès l'entrée du quartier le choc saute aux yeux. A une heure de mon quartier de Palermo, zone coquette aux accents européens, me voila dans un quartier aux routes cabossées, quand elles ne sont pas en terre; aux maisons de 20m² en dur ou en bois; aux toits en tôles ou en bâches; aux voitures, pour les plus aisés, d'une époque ou la crise pétrolière n’avait pas encore eu lieu; aux calèches tirées par des ânes pour les moins chanceux; quand ce n'est pas à pied pour les autres...

Une fois mes esprits retrouvés nous descendons du minibus et nous nous divisons. Par groupe de deux nous allons à la rencontre de quelques familles. Ces familles, ou plutôt groupes de travail, ont été présélectionnés suite à de nombreux entretiens durant lesquels ils ont exposé leur projets, prouvé qu’ils étaient de « bonne foi » et sans risque apparent majeur de non recouvrement.  
Aujourd’hui deux groupes nous attendent. 
Le premier si situe dans une maison que les assesseurs, comme les bénévoles sont appelés, peinent à reconnaitre. La raison? Le couple, grâce à un prêt de AR$500 (environ 75€) a agrandi la maison afin d’en faire le lieu de stockage et de vente de leurs produits. Le mari n’est pas là mais la femme, avec ses 3 enfants (pour ceux que l’on a vu), nous accueille chaleureusement à coup de facturas (pâtisseries locales) et maté (boisson locale ressemblant au thé et sujet d’un prochain article).         

Peu de temps après le reste du groupe arrive :

-          sa jeune fille de 13 ans qui, grâce au prêt de 75€, a pu acheter un stock de produits de beauté et de poupées dans la Once, un quartier de Buenos Aires (à 2h30 de chez elle), pour les revendre, avec un succès certain, dans son quartier.

-          Une femme d’environ 50ans qui, grâce à un prêt de 300€ et les bons résultats de son business, a pu s’acheter un four pour faire cuire 12 pizzas en même temps et ainsi améliorer sa production.

Après une heure de discussion dans la bonne humeur à propos des futurs développements des affaires, de l’observation des ventes et de la comptabilité ainsi que du remboursement hebdomadaire du prêt, (sans oublier le litre de maté ingurgité) nous voila reparti pour la seconde maison.

Là-bas le groupe numéro deux, une famille et ses amis, nous attendent de pied ferme. L’équipe se compose de la propriétaire de la maison, vendant des sandwichs, de son fils vendant du matériel hifi, d’une amie de 60 ans vendant des tissus et de sa fille d’une quinzaine d’années vendant des jouets.
Après les débats politiques (élections présidentielles dans 3 semaines !)  et une nouvelle tournée de maté la discussion s’oriente vers le remboursement du prêt ; et en particulier celui du jeune homme. Il n’a rien vendu cette semaine mais peut rembourser. Sa situation inquiète l’assesseur, jeune femme d’une vingtaine d’années, car lui, comme de nombreux autres jeunes a été séduit par le projet de « Las mujeres de la plaza de Mayo ». Ce groupe se battant pour les droits de l’Homme (et en particulier la reconnaissance des crimes de guerre durant la période des Généraux) leur a proposé au travers de son aile politique, très populiste, des ponts d’or pour venir travailler pour eux avant les élections. L’objet de l’inquiétude : quels sont les fins de ces emplois ? Et surtout seront-ils payés ?

Après de nouvelles recommandations sur la gestion d’un business et un rappel au jeune homme, toujours sur un ton amical et d’aide, nous partons attendre le minibus…durant une heure…le temps qu’un groupe de 5 enfants d’une dizaine d’années, désœuvrés, viennent nous réclamer gentiment des glaces comme celles que certains d’entre nous ont payé à 3 enfants de 5 ans…devant notre refus leur demande se fait plus insistante, avec le vocabulaire et le comportement physique en adéquation… leurs provocations dureront l’heure d’attente : entre menaces verbales envers les bénévoles et attaques physiques envers les 3 jeunes enfants…l’inquiétude sur notre impuissance future d’ici quelques années se lit dans tous nos regards sur le chemin du retour…

PS :

1)       Le taux de remboursement est de 98%...qui, en ce temps de crise, doit faire bien des envieux chez nos chères banques occidentales…

2)       Mon interrogation demeure sur l’éducation des familles aux bases de la finance.

3)       Qu'en est-il des familles analphabètes ?

4)       Combien de temps cela prend-t-il d’établir une relation de confiance pour concéder un prêt ?

5)       Il est 21h, je suis rentré depuis 15h mais les images sont toujours dans mon esprit ; comme celle de la jeune fille de 15 ans tenant un livre de comptes à faire pâlir n’importe quel gérant de PME.

Le déclic a eu lieu…et un étonnant torrent d’énergie/d’interrogations a jailli…que j’ai bien du mal à maitriser…

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