L'Argentine par Alexander Supertramp

Quand on évoque l'Argentine les images des gauchos, du tango, de Maradona nous viennent à l'esprit...mais en réalité LE symbole, s'il peut n'y en avoir qu'un, serait le maté...le quoi?

Petite mise à jour de votre vocabulaire argentin:

- le maté est le thé argentin. C'est en réalité des hierbas ("herbes"), au goût amer,  servi en infusion

- le maté signifie à la fois l'action de boire et le "récipient" servant à servir le maté. Il peut être en calebace, en cuir, en bois, etc

- la bombilla (prononcé "bombicha") est la "paille" servant à boire le maté pouvant être de différents matériaux et ornements. 

Mais attention le maté est à l'Argentine ce que le thé est au Royaume-Uni...c'est à dire que nous ne parlons pas d'une vulgaire boisson mais plutôt de l'ART du maté...

Qui dit art dit règles d'usage...

Résumé du "maté pour les nuls":

- allez dans n'importe quelle supérette et achetez du maté (dénomination commune de la hierba)...rien de plus simple en apparence...la réalité est totalement différente! Imaginez vous un rayon entier de 10 mètres de long composé d'une multitude de marques, de qualités, de provenances, de goûts...

- remplissez au 2/3 votre maté de hierbas.

- en bouchant l'ouverture du maté avec votre main retournez le plusieurs fois afin d'enlever le "polvo", les petits résidus de maté

- introduisez la bombilla au fond

- remuez le maté afin de disposer la hierba d'un coté du maté

- versez l'eau chaude (à une température de 80-90°C environ) le long du bord afin que la hierba au fond soit humidifiée en première

- servez la à vos invités

Vous trouvez cela un peu compliqué comme processus? Et bien dites vous que c'est l'explication fournie sur les emballages de maté et non la réalité! En effet chaque région, chaque famille, chaque argentin a sa manière de servir le maté...et ils vous diront tous l'intérêt de leur propre technique!

A cela s'ajoute la cérémonie du maté. Telle une religion le service a ses propres rites.
Le responsable du service est la personne déclarée comme étant la plus compétente pour servir le maté.

Il le passe à chaque convive qui le lui rend après avoir bu 2-3 gorgées (capacité maximum du maté). Il le remplit de nouveau avec l'eau chaude sans changer la hierba et le passe au suivant. Ainsi de suite durant un laps de temps compris entre...30 minutes et quelques heures!

A cela s'ajoutent des règles d'usage:

- le serveur et uniquement lui a le droit de toucher à la bombilla. Les convives doivent prendre le maté en ne touchant qu'au récipient!

- en le recevant vous ne devez rien dire...impolis les argentins? non!! dire "gracias" en le recevant signifie que vous n'en voulez plus!

- ne jamais refuser un maté au risque de devoir gérer un incident diplomatique

...et des variantes:

- l'apport de café au maté

- le maté "dulcé" (doux) grâce à l'ajout de sucre

- le maté froid "tereré" ou l'eau chaude est remplacée par du jus de fruit froid en été.

Une si longue explication pour un "simple thé argentin" me direz vous... Un petit conseil pensez le tout bas mais ne le dites surtout pas à un Argentin!
Car d'une l'explication est incomplète: je ne vous ai pas parlé de la préparation du récipient au moment de l'achat ni des différentes manières de servir l'eau chaude, ni d'autres rituels...

Et aussi car le maté est un moment incontournable dans la journée d'un Argentin.

....En apprenant l'art du maté vous comprendrez un peu mieux ce qu'est l'Argentine....

Les paradoxes font partie intégrante de tous les pays du monde. Nous les remarquons d’autant plus facilement avec nos yeux d’étrangers et notre volonté d’observation propre à la période des voyages. En effet notre cécité quotidienne nous empêche d’être attentif à ce qui se passe dans notre pays, sur le palier de nos voisins…bref tout cela est un autre débat et je m’éloigne du but de mon article.

L’un des nombreux paradoxes argentins, et plus particulièrement de Buenos Aires, se situe dans le rapport au temps.

Mesdames et Messieurs le combat du jour oppose :

-       D’un côté le Porteño, sur les nerfs, aux multiples accidents de voiture mais continuant tout de même de klaxonner, d’apostropher,  de griller la priorité aux piétons (quelle priorité serait-il amené à me dire) afin de gagner 3 minutes sur l’ensemble de son trajet jusqu’à….

-       Jusqu’à la Poste où, calmement, que dis-je zèlement,  il accepte d’attendre 30min avant d’être servi par des fonctionnaires accaparés par le commérage du moment ou la pause Maté (article à venir le concernant)…cette scène se reproduit dans son Cotto local (le Super-U argentin) où attendre moins de une heure en caisse ne donne pas lieu de s’offusquer (testé et approuvé avec 1h20 d’attente pour des courses atteignant la somme faramineuse de 25€…)…cerise sur le gateau il se sent capable d’attendre, dans le froid, debout et avec le sourire des places pour la finale du festival du tango pendant 5 heures…

Réflexions :

-       Les fonctionnaires français sont les plus efficaces du monde

-       Afin de m’imprégner de la culture argentine j’ai moi aussi attendu 5h dans le froid, debout MAIS SANS LE SOURIRE, des places pour la finale du tango.

-       L’introduction du concept de la ligne bleue chère à Carrefour pour garantir moins de 10min de queue en caisse provoquerait un changement de paradigme culturel dont l’Argentine toute entière ne se relèverait pas.

-       La simple évocation des crises économiques fréquentes touchant l’Argentine et conduisant la population à faire la queue pendant des JOURS me provoque une poussée d’urticaire.